Espace autogéré des Tanneries ----------------------------- Edito février 2014 Un edito coup de gueule à la sortie de la manifestation dijonnaise de protestation face aux menaces sur le droit à l'avortement en Espagne. Quelques décennies seulement après les grands mouvements féministes des années 70, cette réforme sinistre nous rappelle que ce qui s'est gagné dans les luttes n'est jamais acquis. Simultanément, on assiste ici depuis quelques mois, voire années, à la montée en puissance de mouvements fascisants. On n'avait pas vu depuis longtemps dans les rues de Paris une telle foule reprendre en chœur de manière si décomplexée des appels à la haine et aux meurtres antisémites, racistes, antiféministes ou homophobes. On ne peut pas douter que l'extrême droite s'est lancée dans une mutation dont il faudra tirer toutes les leçons. Elle arrive à séduire aujourd'hui autant sur les terrains les plus rances du rejet archaïque et de la peur égoïste, que par la manière dont elle fait mine de donner des réponses au vide certain laissé par le détachement libéral, l'individualisme gestionnaire et la marchandisation forcenée de tout. Le moins que l'on puisse dire, en tout cas, c'est que la confusion règne… Dieudonné s'alimente de la juste colère face aux politiques néo-coloniales pour en arriver aux thèses conspirationnistes les plus délirantes, et même s'allier avec les contributeurs historiques les plus morbides de celles-ci. Les "veilleurs" — version "cathos de droite" des indigné·e·s — occupent les places avec leurs chandelles et s'emparent des symboles des mouvements alter-mondialistes. Ils vont chercher du coté des auteurs classiques de l'extrême-gauche comme Orwell pour avancer une critique du totalitarisme, de l'Etat et de la société industrielle, fustigent les OGM et disent vouloir rejoindre les paysans en lutte contre l'agro-industrie. Tout cela, évidemment, pour mieux invoquer la nécessité de retrouver des communautés ancrées dans un orde moral patriarcal et "Naturel". D'autres disent vouloir s'attaquer radicalement au capitalisme pour mieux défendre l'identité européenne face aux "invasions barbares". Des pères de famille s'accrochent à des grues pour essayer de nous faire croire, en dépit de toute la persistance de la domination masculine dans l'espace public et privé, que les femmes auraient pris le pouvoir et que la virilité serait en danger (qu'elle crève !). Et pendant ce temps, chez les bonnets rouges, des ouvrier·e·s en colère défilent au coté de leur patrons et des agro-maîtres de la FNSEA - ceux là mêmes qui détruisent leur propre région - en revendiquant de pouvoir continuer l'élevage de porc hors sol qui empoisonne la Bretagne (tandis que leur leader charismatique appelle à manifester contre l'aéroport de Notre Dame des Landes). La confusion règne plus que jamais... Il y aurait pas mal à dire sur la manière dont ces mouvements s'inspirent aujourd'hui d'approches qui leur sont profondément ennemies, en profitant des manques et de certains points aveugles et ambiguïtés de la critique radicale estampillée à gauche, qu'elle soit anti-industrielle ou libertaire, communisante ou messianique. Dans l'immédiat, il s'agit pour nous de ne surtout pas laisser la rue et les luttes aux fascistes en colère sous quelques formes que ce soit, et de s'y afficher sur des bases claires. A commencer par un rejet de tout ordre moral pré-établi, que celui-ci se base sur l'idée de nature, sur des arguties religieuses ou sur l'universalisme occidental. Par ailleurs, que l'on se batte ici pour échapper aux outils de contrôle fournis par les nouvelles technologies ou pour briser le règne de la consommation, pour s'enraciner dans un quartier, défendre des terres ou soutenir des ouvrier·e·s en grève, ce sera avec des aspirations radicalement multi-culturelles, (pro-)féministes, sans frontières, anti-essentialistes et anti-autoritaires ! Hey ho, à bientôt !