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Samedi 19 mai 2007, centre ville de Dijon. La manifestive de soutien à l’Espace Autogéré des Tanneries commence par la lecture d’un texte de solidarité en provenance de Barcelone, où, au même moment, se tient une manifestation de défense des espaces autonomes, clôturant quinze jours d’actions mené·e·s par les squatteurs et squatteuses barcelonais·es.
Un cortège déterminé et festif d’environ 400 personnes parcours les rues de Dijon, derrière une banderole « Défendons les espaces autogérés ! », au rythme d’une batucada hybride parigo-freiburgo-lyonnaise (« big up » aux samba kids !). Outre les bulles et pancartes portées par les manifestant·e·s, des affiches et détournements sont collés sur les murs et vitrines de la ville tout au long du parcours.
Au moment de la dispersion, le cortège se dirige vers le square situé derrière la mairie. Sur place, des grimpeur·euse·s s’encordent et se hissent rapidemment au sommet des arbres avec hamacs, vivres, bâches et banderoles, pendant qu’est distribué un tract intitulé « cerise sur le tilleul ». Il est annoncé l’occupation aérienne et permanente du parc, soutenue par diverses activités au sol, dans l’attente d’un engagement ferme de la mairie sur l’avenir des Tanneries.
De grandes banderoles sont suspendues entre les arbres, pendant qu’en contrebas, sont installés un stand de frites « Do It Yourself », des tables de presse, ainsi qu’un grand nombre d’affiches et photos représentant dix ans de mémoire des Tanneries, tout le long des grilles du square.
Le soir venu, le maire demande à la police d’intervenir pour faire évacuer le parc et mettre un terme à l’occupation des arbres, mais la préfecture lui répond qu’elle ne dispose pas des forces nécessaires. Le directeur de cabinet du maire et des élu·e·s se rendent alors sur place la nuit venue, pour demander la fin de l’occupation. Nous refusons. Quelques minutes plus tard, promesse est faite de renouveller la convention d’occupation jusqu’en 2011. À défaut de papier signé, les occupant·e·s restent dans les arbres, et passent une première nuit en hauteur pour maintenir la pression.
Le collectif se réunit, et accepte de quitter le parc à une condition : que la convention signée ne puisse pas être cassée, si la Générale de Santé venait à acquérir le terrain actuellement occupé par l’espace autogéré. Après avoir obtenu un accord ferme sur ce point et avoir réceptionné, dimanche midi, la convention prolongée signée de la main du maire, nous mettons fin à l’occupation.
Au lendemain de l’action, nous nous sommes rendus à la mairie, pour discuter des termes de la garantie vis à vis de la Générale de Santé. Nous avons obtenu qu’une clause soit ajoutée au contrat en cours de négociation, indiquant que même si le terrain que nous occupons était cédé, notre convention avec la mairie resterait valide.
Par ailleurs, la mairie, qui souhaitait de toute évidence calmer l’affaire avant la fête de rue que nous annoncions pour le 9 juin, veille des élections législatives, a annoncé sa volonté de négocier avec nous sur l’après 2011. Sans nous montrer fermé·e·s au dialogue, nous avons à ce sujet affirmé clairement que la nouvelle signature ne nous engageait absolument pas à partir après 2011.
Après 10 ans de vie et construction sur un site, nous souhaitons toujours y rester le plus longtemps possible, quelles que soit les énormes pressions financières sur ce terrain ou les possibilités de relogement.
La droite locale, qui, la semaine dernière, nous accusait dans la presse d’avoir « organisé » les émeutes du 6 mai au soir et se plait à nous voir depuis quelques années comme grand responsable de l’« insécurité » à Dijon, n’a pas tardé à contre-attaquer.
En ouverture du Conseil Municipal, grand show politique depuis sa retransmission sur internet, Yves Japiot de l’UMP, a demandé des comptes au maire sur la prolongation de la convention, annoncée par voix de presse le matin même, et a rappelé de quelle manière « scandaleuse » une nous avions « squatté » le conseil municipal de mars dernier. Il a ensuite interpellé le maire sur le fait que le renouvellement de la convention encourageait un foyer de « subversion » (citant nos tracts), et qu’il laissait en cadeau à la future mairie, par un coup de force, une hypothèque sur l’avenir de ces locaux. Et de continuer sa tirade en souhaitant que nous « trouvions du travail » ( !), « but de tout homme » et que la mairie ne permette la poursuite que des activités jugées « utiles » dans des locaux qu’elle fournirait.
François Rebsamen lui a longuement répondu, confirmant qu’il avait pris la responsabilité de proroger notre convention de 3 ans dans des termes inchangés, jusqu’en juin 2011, poursuivant ainsi : « Maintenant, il faut être un peu patient, M. Japiot, les élections auront lieu au mois de mars de l’année prochaine. [...] Mais, ce qu’un maire a fait, un autre maire peut le défaire et donc vous pourrez largement faire campagne pour annoncer que vous supprimerez le bail des "Tanneries" » avant de conclure par « Je vous souhaite bien du courage ! ».
Nous retenons pour notre part, après deux nouveaux mois de lutte, que les occupations de Conseil Municipal et de la Générale de Santé, les présences aux meetings électoraux, les centaines de mails et de coups de téléphones reçus par la mairie, les pourparlers avec les divers acteurs du projet d’urbanisme, les tracts et affiches dans toute la ville, les nombreuses lettres de soutien de collectifs et d’associations, les actions de solidarité internationales à Berlin, Barcelone ou Copenhague, l’occupation des arbres devant la mairie n’auront pas été en vain. C’est bien cette mobilisation aux stratégies multiples qui nous aura permis de gagner de nouveau une relative tranquilité.
Cette lutte nous a aussi démontré à quel point les projets qui menacent des espaces précieux devaient être surveillés et combattus le plus tôt possible pour espérer pouvoir les contre-carrer. Aujourd’hui, nous avons obtenu une victoire, temporaire certes, mais qui prouve, et c’est primordial, que des rapports de force et actions directes peuvent toujours aboutir et permettent de se faire entendre. Cela renforce notre confiance dans notre capacité à lutter encore, avec vous, le jour où l’avenir des « Tanneries » sera de nouveau menacé.
Nous n’aurions rien pu faire sans le soutien de toutes celles et ceux pour qui « Les Tanneries » comptent et qui se sont bougé·e·s à Dijon ou à des centaines de kilomètres. Nos pensées vont tout spécialement aux autres espaces autonomes actuellement menacés, des squats barcelonais à la Rigaerstraße et au Köpi à Berlin, en passant par le KTS à Freiburg, ou Ifanet à Thessalonique, sans oublier les ex-occupant·e·s d’Ungdomshuset à Copenhague. C’est vers eux que nous souhaitons maintenant porter notre solidarité. Les temps qui viennent ne s’annoncent pas faciles, alors profitons du répit accordé ici pour multiplier subversions et solidarités.
On reste et restera... parce qu’on aura toujours la rage !
— le collectif de l’Espace Autogéré des Tanneries, le 22 mai 2007
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